La loi de l’autodestruction et la loi de la conservation sont de même puissance dans l’humanité !
« Le Diable règne pareillement sur toute l’humanité jusqu’à la fin des temps, laquelle fin nous est encore voilée. Vous riez? Vous ne croyez pas au Diable ? Ne pas croire au Diable est une idée française, une idée légère. Savez-vous qui est le Diable ? Connaissez-vous son nom ? Et, sans même connaître son nom, vous riez de sa forme, à l’instar de Voltaire, de ses sabots, de sa queue et de ses cornes que vous lui inventez vous-même ; l’esprit du mal est un esprit puissant et formidable, il n’a ni les sabots ni les cornes que vous lui inventez !… Ce n’est pas de lui qu’il s’agit présent ! »
Les Démons, Fédor Dostoïevski,traduction André Markowicz
Ils nous accueillent dans leur laboratoire, qui est plutôt une pièce, même carrément une cave. Ils veulent nous présenter un cours magistral sur l’histoire du Diable dans la littérature, mais c’est plutôt une conférence burlesque sur le Mal, voire carrément un laboratoire d’expérimentation sur eux-mêmes et sur les autres. Ils invoquent la figure et l’iconographie du démon, triturent ses évocations dans l’Ancien Testament, chez Goethe, Dostoïevski, et proposent des « mises en application » contemporaines.
Mais que veulent vraiment ces deux bouffons studieux? Que signifient leurs élucubrations sur la tentation et la souffrance humaines? Nous imaginons un spectacle de sous-sol, pour voir si celui-ci peut gratter dans notre mauvais fond d’humains, ou au moins le chatouiller un peu.
Nous imaginons une fausse conférence sur l’Histoire des figures du diable dans la littérature et l’art, d’apparence formelle et studieuse, où nous décortiquerions des grands textes avec humour, où nous partagerions des anecdotes personnelles, tout cela en créant quelque pacte de confiance avec le spectateur:l’histoire du mal peut secouer et celui-ci n’est pas prisonnier de la représentation qui se déroule sous ses yeux, il est libre de partir à tout moment.Nous opérerions petit à petit un glissement formel : en incarnant deux historiens/artistes bouffons (car la figure du « bouffon » est une figure capitale de notre expérience mal incarné), nous gagnerions peu à peu la confiance du spectateur dans le caractère inoffensif de notre travail, pour voir jusqu’où celui-ci pourrait tolérer que nos expériences deviennent de plus en plus malsaines entre ces deux bouffons.
Les fous et les bouffons
Depuis plusieurs années, nous incarnons un duo d’improvisation dans des performances, vidéos et chansons clandestines, un couple ne s’est jamais matérialisé dans une forme comique longue et spectaculaire. Ce duo est celui de deux bouffons qui discourent, figures entre le fou du roi et le clown, que nous incarnons affectueusement. Deux idiots aux grandes interrogations, qui croient révolutionner des questionnements philosophiques avec des lieux communs, et qui parfois se perdent en d’insoutenables opinions. C’est inconsciemment ces deux personnages que nous avons cherché à convoquer dans Tous Les Diables, sous les traits de deux savants de sous-sol, et qui feraient mieux d’y rester.
En sortant d’un spectacle d’Angélica Lidell, nous est venu communément cette image du diable, peint en rouge entièrement. Ce lieu commun là avait quelque chose de terriblement rassurant, et concentrait toute la ruse de ce projet: on ne se méfie pas du bouffon et de ce qu’il a à dire, alors on lui tend l’oreille.
Production Compagnie Au Børd de
Avec le soutien du Théâtre National Populaire (Villeurbanne) du Théâtre des Clochards Célestes (Lyon) du LABO, Pôle de création artistique (Roanne) du Théâtre de Tardy (Saint-Etienne) du Théâtre Paris Villette
Jeu, écriture et mise en scène Lucas Bustos Topage et Yasmine Berthoin
Scénographie et sculptures Lorette Pouillon et Yasmine Berthoin
Regards extérieurs Théodore Olivier, Dan Lecuillier et Lucie Garçon
Administration Yasmine Berthoin